On accueille sur le blog le témoignage d’un psychologue qui sort des sentiers battus pour vous donner une nouvelle perspective des débouchés en psychologie.
Il est, selon ses propres mots, « un psy qui n’a jamais soigné personne » : son truc à lui, c’est le design !
Plus précisément, « l’UI et l’UX dopées à la psychologie », comme il le dit si bien.
Il s’appelle Quentin Kuntmann et on le remercie beaucoup d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.
Vous découvrirez dans cet article comment la psychologie permet de créer de meilleurs designs et des conseils précieux pour ceux qui souhaitent se lancer dans cette voie.
C’est parti !
Quel est ton parcours ?
Après ma licence, j’ai d’abord fait une première année de master de psychologie cognitive pure puis j’ai fait une seconde année de professionnalisation en psychologie cognitive et ergonomique à l’Université de Bourgogne.
J’ai été UX Researcher puis Product Manager et aujourd’hui j’opère en tant qu’indépendant pour aider les entreprises à créer de meilleurs produits numériques.
Comment as tu été attiré par le design porté par la psychologie ?
Un peu par hasard à vrai dire. Initialement, je souhaitais déjà bosser dans le secteur du facteur humain dans la conception de systèmes professionnels complexes. Un jour, pendant mes études, nous devions analyser un système d’apprentissage pour enfant qui m’a donné pas mal de fil à retordre. Je ne savais pas où cliquer ou ce que je devais faire.
De là, je pouvais :
- remettre mes capacités cognitives en question ;
- remettre la faute sur les concepteurs.
*Spoiler* : j’ai préféré la seconde option.
De là, j’ai pas mal fait de recherche sur l’ergonomie des interfaces et je suis tombé sur l’acronyme UX. Après avoir lu le livre de Donald Norman sur le Design des objets du quotidien et quelques articles j’ai vécu une révélation.
Tout ce que je savais de la psychologie humaine, du fonctionnement du cerveau, pouvait me servir à concevoir des produits du quotidien plus utile et plus agréable.
Quelle est la relation entre la psychologie et le design ?
La relation n’est pas toujours explicite, mais en réalité, elle est très directe. Nous concevons la plupart des objets, des produits ou services pour des humains. À défaut, ce sont quand même des humains qui prennent les décisions de les acheter ou pas (par exemple des objets pour les animaux).
Bien évidemment, on peut concevoir des choses sans connaissances en psychologie, c’est ce qu’on fait depuis la nuit des temps. Mais la complexification des objets (par exemple la technologie numérique) nécessite de tenir compte de la façon dont les gens perçoivent et traitent l’information. D’ailleurs, ce sont des psys qui ont commencé à dire qu’il était nécessaire de concevoir des objets adaptés aux capacités humaines (attention, perception, mouvement…) plutôt que des objets auxquels les humains doivent s’adapter.
C’est quoi L’UI et l’UX (et la différence entre les deux)
J’ai déjà un peu abordé l’acronyme UX pour User Experience. Pour en donner une définition plus consistante, je dirais que l’expérience utilisateur correspond à l’ensemble de la construction (et des reconstructions) mentales que l’on se fait d’un artéfact : du moment où on le découvre (via des publicités, dans la vraie vie, ou par le partage d’expérience d’un ami) au souvenir qu’il nous laisse.
Exemple : si je veux acheter un téléphone, je peux découvrir la marque Apple (ouais, il faudrait vraiment vivre dans une grotte). De la pub, à l’utilisation en passant par l’achat en magasin, le déballage de la boite jusqu’au souvenir de l’objet, c’est tout ça l’expérience utilisateur.
Ensuite, on retrouve souvent l’acronyme UI accolé à celui d’UX (sous la forme UX/UI même si je préfère bien distinguer les deux).
L’UI veut dire User Interface et correspond aux choses tangibles avec lesquelles interagissent les utilisateurs : le site web, le produit physique lui-même…
L’explosion des produits numériques (applications, site web, SaaS…) fait que l’UX est souvent “réduite” à l’UI alors qu’elle couvre un spectre plus large.
Quelles sont les principales missions d’un UX designer ?
Le rôle d’UX est d’assurer pas mal de mission :
- créer un produit qui répond aux besoins des utilisateurs ;
- apporter les informations nécessaires en temps voulu ;
- faciliter l’utilisation du produit (👋 l’ergonomie)
Le rôle d’un UX c’est l’ambition de faire vivre l’expérience souhaitée aux utilisateurs, celle imaginée par les concepteurs au travers de l’image d’un système, le tout sans créer de frictions non prévues.
Un UX peut faire de la recherche utilisateur (comprendre les besoins, les attentes, les motivations, mais aussi tester le produit pour évaluer cette capacité à répondre aux besoins de l’utilisateur de façon efficace).
Il peut faciliter des ateliers, afin aider des experts (ingénieur, développeur, graphistes, marketeux…) à avancer vers la création d’un produit à l’expérience cohérente.
Bref. Beaucoup de boulots différents sont possibles en fonction des affinités de chacun.
3 infos que tout bon designer devrait connaître sur la psychologie humaine
Difficile de faire un choix ici…
1. Justement, la prise de décision est impactée par le nombre de choix possible. Trop de choix est attirant, mais limite la prise de décision, c’est ce qu’on appelle le paradoxe du choix. Par exemple, lors du design de la page d’accueil de Netflix, les designers ont testé de laisser le catalogue des contenus accessible avant de souscrire (ce que les gens demandaient) ce qui a diminué les ventes). En “suggérant” simplement la profusion de contenus via l’image de fond, ils ont dopé les souscriptions.
2. Mon effet préféré se résume de la façon suivante : il existe un point commun entre une coloscopie et un séjour à Disneyland. Ces deux “expériences”, enfin le souvenir qu’elles nous laissent, sont influencées par une puissante illusion cognitive. Le souvenir de nos expériences n’est jamais la moyenne de chacun des moments, mais plutôt la moyenne de deux moments clé : le pic et la fin. Le pic émotionnel (positif ou négatif) et la manière dont se termine l’expérience conditionnent notre souvenir. Quand on crée une expérience, il faut penser à ces moments essentiellement.
3. Les gens interagissent avec la technologie numérique comme s’ils interagissaient avec des humains. Lorsque nous humanisons une interface (par exemple en utilisant un style conversationnel pour les textes) nous augmentons la satisfaction globale des utilisateurs. L’aspect social est très poussé, par exemple, lors de l’intégration des premiers GPS, une voix féminine avait été intégrée dans les véhicules BMW. Ce choix design a valu un grand nombre d’appels aux SAV, car les conducteurs (des hommes, obviously) projetaient le stéréotype selon lequel les femmes ne savent pas indiquer une direction sur une voix numérique.
Des conseils pour valoriser un parcours en psychologie pour un poste d’UX Designer dans un entretien d’embauche ?
Le marché du travail est un peu bancal autour de l’UX. Souvent, les gens résume ça à faire “des visuels de sites web ou d’applications” et demandent des compétences sur Illustrator ou Photoshop. Mais valoriser un parcours psycho nécessite de rappeler que l’expérience est la construction mentale de l’interaction (directe et indirecte avec le produit).
En ayant une bonne connaissance de l’humain, la conception s’appuie sur des décennies de recherches scientifiques sur la perception, la vision, la mémoire, la motivation… Ceci contribue très largement à créer des expériences utilisateur au plus proche des besoins et attentes.
Des ressources à proposer pour les étudiants
Les miennes déjà 🙃
LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/quentinkuntzmann/
Medium : https://medium.com/@quentin.kuntzmann
Newsletter : https://quentinkuntzmann.substack.com/
Une liste de lecture : https://www.notion.so/quentinkuntzmann/Liste-de-lecture-Quentin-KUNTZMANN-eb5ac5a6c175493996b51bb9d3e2c915?pvs=4
Voilà c’est terminé pour cette interview, encore merci à Quentin pour son témoignage.
A partager aux intéressés 😉
A bientôt sur le blog !
